Contemporain de Pierre Puget, le peintre marseillais Jean-Baptiste De la Roze fut l’un des artistes les plus fameux en Provence dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Une réputation acquise de son vivant, bien que sur le tard, grâce à ses tableaux de marine, dont il s’était fait une spécialité. C’est cette renommée qui lui permettra d’obtenir en 1665, le brevet de maître peintre entretenu à l’arsenal de Toulon, un titre qui le hissait au rang de « peintre du roi »
Fils de Jean un marchand parisien, installé à Marseille à la fin du XVIe siècle et de Margueritte Crivelli, il est baptisé à Marseille le 13 février 1614, paroisse des Accoules et non en 1612, comme on le pensait jusque-là. Comme l'indique le père Bougerel (1680-1753), prêtre de l’oratoire, son premier biographe, c’est l’une de ses tantes qui l’oriente peu après le décès de ses parents vers une carrière artistique. Ambitionnant de le faire entrer dans l’atelier d’un orfèvre, elle lui fit donner des premiers cours de dessin. Une première formation que Jean-Baptiste interrompt à 15 ans, lorsqu’en 1629, peut-être pour fuir un nouvel épisode de peste qui menace la Provence, il décide de s’engager dans l’armée. Débute alors son aventure militaire qui l’amène en Italie où il prend part à la guerre de succession de Mantoue (1628-1631). Blessé à la cuisse au siège de Casal, Jean-Baptiste est démobilisé et profite du chemin du retour pour s’arrêter à Rome. Selon Bougerel, il aurait résidé « quelques mois » dans la cité papale, étudiant « les bas-reliefs et les excellents tableaux antiques et modernes » comme « la manière des plus habiles peintres ». Revenu en Provence, il entre en 1631 dans l’atelier aixois de François Mimault (ca 1580-1652), un peintre originaire du Poitou. Avant l’installation à Aix en 1636 du peintre bruxellois Jean Daret (1614-1668), Mimault possédait alors l’atelier le plus important de la ville. Polyvalent, comme l’était la majorité des peintres de cette époque, il peignait aussi bien des portraits que des retables. Jean-Baptiste restera huit années dans l’atelier de son maître travaillant sans doute à ses côtés sur les diverses commandes de tableaux d’autel que ce dernier reçoit un peu partout en Provence : Entrevaux, Valensole, Vinon, Bargemon, Ampus… Il a vingt-quatre ans, lorsqu’il quitte l’atelier de Mimault. Il s’installe à Marseille, où il se marie et baptise plusieurs enfants. Ses débuts comme peintre sont modestes. La présence dans la cité phocéenne d’artistes réputés, ayant passé de longs séjours en Italie, comme Jean-Baptiste de Faudran (1611-1661), un peintre issu de la noblesse qui fut memebre de l'Académie de San Luca à Rome, mais aussi Pierre Puget (1620-1694), ne lui permet pas de s’imposer rapidement comme peintre d’histoire. La liste de ses oeuvres que nous avons pu assembler durant ces premières années marseillaises ne révèle pas d’ouvrages majeurs : décor d'un arc de triomphe éphémère entrepris avec les peintres Joseph Pettelly et François Croizier fils pour l’entrée à Marseille de la duchesse de Mercoeur en 1653 ; portraits, dont le portrait post-mortem d’Anne de Capel en 1662 ; mais aussi quelques tableaux d’autel : un tableau de saint Pancrace dans l’église des carmes déchaussés à Marseille, deux autres pour des confréries à la Ciotat, un tableau, signé et daté de 1647 pour la chapelle Saint-Pancrace de Tourves.
C’est véritablement lorsqu’il commence à peindre des marines, sans doute vers 1650, que sa réputation s’accroit. Ce sont en effet ces paysages souvent de grands formats, représentant des scènes de naufrage ou des vues de port qui suscitèrent l’engouement d’une riche clientèle à Paris comme en Provence. Ses commanditaires lui reconnaissaient un talent certain pour représenter avec « exactitude » les vaisseaux et « l'établissement de leurs agrès », ou encore pour « savoir peindre avantageusement le point de vue ». Les rares tableaux conservés et signés du peintre, comme le tableau supposé représenter Le port de la Ciotat, conservé à la mairie de cette ville, ou encore la Vue du port de Marseille de la chambre de commerce et d’industrie de Marseille, témoignent de l’originalité de son parti pris : proposer un juste milieu entre le beau idéal recherché par les artistes italiens et cette quête de vérité que revendiquaient les artistes nordiques, Flamands ou Hollandais. Aux premiers il reprend le goût pour les sites recomposés et une construction savante, construite sur la perspective, multipliant les plans en coulisse et disposant savamment les groupes de figures, aux seconds le réalisme des détails de l’architecture navale et la truculence de ses personnages. Annonçant déjà les futures vues de port de Joseph Vernet, il se singularise à cette époque par l’importance du nombre de personnages qu’il distribue dans ses œuvres. Près d’une centaine dans le tableau de la Ciotat, comme dans celui du port de Marseille. L’originalité de ces sortes de veduta, dont la vérité est moins à rechercher dans le paysage que dans l’activité portuaire suscita très vite l’engouement d’une riche clientèle aristocratique qui avait souvent des intérêts dans la Marine. Parmi ses clients, se comptent aussi bien Louis XIV et ses principaux ministres, Mazarin, Colbert, Seignelay, que des pairs de France et des personnalités de l’aristocratie : le duc de Beaufort, Tourville, Lesdiguières, le duc d’Oppède, ou encore Simon Lenfant.
La mort de Jean-Baptiste Faudran, en 1661, et les départs au même moment de Pierre Puget en Italie et de Jean Daret à Paris, lui permirent de s’imposer au début de la décennie des années 1660 sur la scène artistique provençale. Recherchant un artiste éminent pour décorer le vaisseau du roi de premier rang le Saint Philippe en 1663, l’intendant de l’arsenal de la Marine de Toulon fait appel à lui. Deux ans plus tard, il lui fait obtenir le brevet de « maître peintre pour l’inspection et la conduite des ouvrages de peinture et dorure » pour la décoration des vaisseaux du roi, aux appointements annuels de 1200 livres. Pour De la Roze, il s’agit d’une consécration qui le met à la tête de l’un des plus importants ateliers de peinture en Provence. Plus d’une cinquantaine de peintre viendront travailler à la décoration des vaisseaux durant sa maistrance. Il conçoit alors, pour les décors des chambres des vaisseaux des programmes entiers de décoration dont on ne conserve plus que quelques dessins. Si Jean-Baptiste poursuivit cette activité de peintre décorateur jusqu’à la fin de sa vie, il ne cessa jamais pourtant de peindre des tableaux de marine et des tableaux d’autel, se servant en outre parfois comme aides, des mains habiles des peintres de l’arsenal. Le tableau de la Naissance de saint Jean-Baptiste, conservé à Signes et commandé en 1672 est un exemple patent de ces commandes qu’il honora alors même qu’il dirigeait déjà l’atelier de l’arsenal.
Selon Bougerel : « De la Roze avait une physionomie heureuse. Il estoit grand et maigre, on trouvait en lui la candeur et la simplicité de nos anciens pères, il étoit naturellement taciturne & pensif, il ne perdoit aucun moment, il aimait la lecture des histoires & des bons livres ; doux facile, complaisant, charitable, enfin aussi bon chrétien qu’excellent peintre ».
Il meurt d’une angine de poitrine le 20 février 1687. Son fils, Pascal De la Roze, lui succèdera à la tête de l’atelier de peinture à l’arsenal de Toulon.
Deux portraits nous sont parvenus de l’artiste. L’un, peint par le célèbre portraitiste aixois Laurent Fauchier (1643-1672) vers 1669, est connu par plusieurs versions et copies (Toulon, musée des Beaux-arts : https://toulon.fr/envie-bouger/article/laurent-fauchier) ; le second est un portrait à charge dessiné par Raymond Lafage sans doute vers 1680, lors de son passage à Aix (1656-1684).
Magali Théron
Œuvres à voir en Provence :
- Signes, chapelle Saint Jean-Baptiste
o Jean Baptiste de la Roze (1614-1687), Naissance de saint Jean-Baptiste, Huile sur toile, H. 270 x 200 cm., 1672
o Jean Baptiste de la Roze (1614-1687), Décollation de Jean-Baptiste, Huile sur toile, H. 100 x 160 cm., 1672
- La Ciotat, Hôtel de Ville
o Jean Baptiste de la Roze (1614-1687), Vue de la baie de la Ciotat et des chantiers navals, Huile sur toile, 115 x 193 cm, signé. 1664
- Marseille, Chambre de commerce et de l’Industrie
o Jean Baptiste de la Roze (1614-1687), Le port de Marseille et l’arsenal des galères, 180 x 277 cm, ca 1668-1669.
Pour aller plus loin :
Porte et Dr Pons, « Jean-Baptiste de la Rose, peintre (1612-1687). Notice biographique par M. Porte, communiquée par M. le docteur Pons », Archives de l’art français, 1858, TVI, p. 225-232 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55582082/f276.item
Charles Ginoux, « Jean-Baptiste de la Rose, peintre du roi à l’arsenal de Toulon », Réunion de la société des Beaux-arts des départements, 1887, p. 303-312
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206206x/f314.item
Marielle Latour, « Jean-Baptiste de la Rose », in Henry Whitenove (éd), La peinture en Provence au XVIIe siècle, cat. exp. Marseille, Palais Longchamp, 1978, p. 80-82.
Magali Théron, « Un peintre de Marine : Jean-Baptiste et Pascal de la Rose », Neptunia, n° 211, 1998, p. 67-76.
Magali Théron, « Les ateliers de peinture et de sculpture des arsenaux en Provence en marge de l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille », Rives Méditerranéennes, 56, 2018, p. 147-174.
https://journals.openedition.org/rives/5430